Au commencement...
Bienvenue dans le premier d'une série de tutoriels qui nous mènera à travers les méandres de la mise en scène. La
mise en scène est un aspect très important d'une histoire, mais malheureusement, elle est souvent négligée et conduit à des catastrophes.
Ces tutoriels peuvent être appliqués à plusieurs types de supports, comme les films, les livres... mais je vais me concentrer sur les jeux vidéo.
Je prendrai souvent des exemples de jeux vidéo connus, et il m'arrivera donc de faire des «
spoilers », alors attention, c'est à vos risques et périls (je serai prudent néanmoins à ne pas trop détailler).
Qu'est-ce que la mise en scène ? C'est essentiellement la forme que prend l'histoire, la façon dont on la présente, le
langage qui établit la communication entre l'auteur d'une œuvre et son lecteur, ou spectateur. Dans un jeu vidéo, elle comprend les graphismes, la musique, les sons, l'animation, l'interface, et j'en passe... On peut donc affirmer que la mise en scène englobe bien plus d'aspects que le simple récit. C'est le cœur qui fait battre l’œuvre.
Sans plus tarder, passons à ce qui va nous occuper aujourd'hui : le
commencement de l'histoire.
Avant-propos : distinguer introduction et début
La plupart des jeux commencent par une scène d'
introduction, que je vais ici distinguer de ce que j'appelle le
début du jeu. L'introduction est une scène à laquelle le joueur ne participe pas vraiment, elle sert souvent à en mettre plein la vue sur des jeux récents, à exposer des éléments de chronologie, présenter les personnages, et à planter un peu le décor. Je ne vais pas trop m'attarder là-dessus, mais c'est une grande question de dosage.
Je citerai quelques exemples qui m'ont plutôt marqué, comme les cinématiques d'introduction de Final Fantasy 7 et 8, Chrono Cross (excellente musique) et plus récemment, Final Fantasy Type-0 (qui réussit à placer énormément de texte avec de l'action).
Ces introductions ont pour effet de véritablement plonger le joueur dans le jeu. Mais c'est après que parfois, le problème arrive...
A. À quoi doit servir le début du jeu ?Selon moi, le début du jeu, en plus de familiariser le joueur avec
l'univers dans lequel se déroule l'histoire, doit aussi lui donner la plupart des éléments de
jouabilité, ou « gameplay ». Il doit forcément lui permettre de comprendre le fonctionnement du jeu, en l'informant des contrôles (utiliser la touche B pour courir), le système de combat s'il existe, etc...
Cela peut prendre la forme d'un tutoriel (intégré à l'histoire), de fenêtres de message uniquement destinées au joueur (donc détachées de l'histoire), etc...
C'est le rôle du début d'un jeu : il est là pour amener le joueur « dans » le jeu.
B. Les types d'introductionÀ l'école, on nous expose que dans toute histoire, il faut une
situation initiale qui se retrouve dérangée par un élément déclencheur, ou
élément perturbateur (les histoires suivraient toutes le schéma classique en cinq phases :
situation initiale – élément perturbateur – péripéties – élément de résolution – conclusion). Cet élément perturbateur va poser le problème qui sera plus tard résolu vers la fin de l'histoire. Il faut donc exposer la situation de départ et faire monter ensuite le joueur dans le train de l'histoire.
Et pourtant, je vais vous montrer que ce schéma peut être mis a mal dans le jeu vidéo, parce que contrairement à d'autres supports, il y a interaction avec le joueur. Le joueur reçoit des informations de la part du jeu, mais il agit aussi sur celui-ci.
Je vais donc parler de deux types de débuts de jeux : commençons par le classique.
C. Le début classiqueCette manière de commencer un jeu est ce que la plupart d'entre nous faisons au début. Elle consiste à planter la situation initiale de façon étendue, et de faire passer le joueur par une phase dans cette ambiance souvent calme et familière pour le héros.
Elle consiste par exemple à faire se réveiller le héros chez lui, dans son petit village, à l'envoyer retrouver des amis ou aller acheter quelque chose, voire à mener une petite quête initiale.
J'ai mentionné précédemment l'importance du début d'un jeu pour familiariser le joueur à l'univers du jeu, mais aussi à la jouabilité.
Avantages :
L'introduction classique a pour avantage de permettre au joueur d'acquérir les bases du jeu. Il peut aussi permettre certains procédés scénaristiques assez intéressants...
-Placer des êtres aimés pour créer plus tard
une immense détresse au héros qui les perdra (élément perturbateur) : c'est le cas de
Tales of Phantasia qui montre, grâce à quelques dialogues, les liens familiaux et amicaux entre les personnages du village d'origine des héros. Et quand ensuite, l'histoire progresse, on ressent vraiment la tristesse des héros.
-Dans le même domaine, il permet de créer une
rupture bien plus dramatique entre deux ambiances, comme
Grandia 2 qui commence plutôt doucement et qui part ensuite dans une ambiance plus sombre.
-
Placer des éléments d'intrigue qui seront « couvés » jusqu'à éclater plus tard (visite d'un étranger dans le village qui conduira un peu plus tard à une catastrophe), faire apparaître de façon anodine des personnages très importants par la suite. Ce dernier point est plus facile à exploiter dans un début de jeu de type « enfance », quand il y a plusieurs années qui s'écoulent après l'élément perturbateur (
Golden Sun par exemple).
Inconvénients :
Ce type de début de jeu, s'il traîne trop en
longueur, peut avoir des effets néfastes. Le fait de devoir effectuer une quête obligatoire avant de vraiment faire démarrer l'histoire peut être très ennuyeux, surtout quand vous recommencez le jeu pour la quatrième fois.
L'autre facteur qui peut facilement énerver le joueur, c'est de
bloquer trop de fonctionnalités durant cette phase de départ : on retire au joueur le plaisir du jeu pour le guider. Dans une moindre mesure, le début de
Dragon Quest 9 est dans ce genre : beaucoup de dialogues et d'aller-retours (c'est pourtant un excellent jeu).
Je crois que le pire exemple que j'ai pu voir est
Grandia, premier du nom. On peut passer une ou deux heures dans une ville en trois dimensions ou il est absolument impossible de se repérer, où la quête consiste à rassembler un couvercle de marmite, une casserole, etc.. dans des endroits improbables. Et le pire dans tout ça ? Pas UN combat ! Très fort pour un jeu dont c'est un des meilleurs éléments...
Quelques exemples (bons ou mauvais) de débuts calmes : Tales of Phantasia, Chrono Trigger, Final Fantasy 8, Golden Sun, Breath of Fire 2, Dragon Quest 5 et 6, Star Ocean...
D. Le début dynamiqueIci, nous parlerons de ces jeux qui vous
plongent dans l'action, par exemple en vous faisant commencer au cœur d'une mission, ou lors d'une bataille. Contrairement au schéma classique, on n'a pas de situation initiale très marquée. Parfois cette situation initiale est éludée et apparaît par flash-back, et parfois, le jeu joue astucieusement avec le schéma et l'action EST la situation initiale.
Prenons un des meilleurs exemples de ce genre de début :
Final Fantasy 7. On commence directement dans l'action, mais cette action est le quotidien des personnages. Plus tard, au cours d'une mission, le héros est séparé de son groupe et il doit rejoindre ses compagnons. Et pourtant, le véritable élément déclencheur intervient bien plus tard. En fait, Final Fantasy 7 utilise un schéma de suites de situations à résoudre. Quel est l'élément perturbateur ? La rencontre avec la marchande de fleurs, son enlèvement, la sortie de Midgar ? Ou est-ce cet événement qui est survenu il y a cinq années plus tôt et qui revient aujourd'hui hanter le héros ?
Avantages :
-Beaucoup plus dynamique,
beaucoup moins ennuyeux. Ce genre de début en action est l'idéal pour les joueurs qui veulent jouer tout de suite. Il est parfait pour un tutoriel « discret » à propos des contrôles. Il permet généralement de ne pas s'ennuyer lorsqu'on recommence une partie.
-Il permet de se concentrer sur la
dynamique entre les personnages, en les isolant de leur cadre. Le stress d'une mission ou d'une bataille fait souvent ressortir la dynamique entre les membres d'une équipe.
-Il est souvent utilisé dans des jeux plus
matures (entre une cueillette de champignons et faire exploser un édifice gouvernemental, il y a un gouffre), mais cette affirmation n'est pas absolue.
-Parfois, comme pour le début classique, il peut servir de flash-back destiné à poser un peu de
mystère dans l'intrigue.
Inconvénients :
-Une fois le rythme posé, il faut faire attention à ne pas faire tomber l'ambiance avec une phase
trop calme qui arriverait juste après. Il faut prévoir soigneusement ce qui va suivre, pour éviter d'ennuyer le joueur ensuite (au lieu de l'ennuyer au début). Cela implique beaucoup d'action, de toujours accélérer le train de l'intrigue à coups de rebondissements.
Final Fantasy 12 a par exemple ce problème, en passant d'une bataille épique à une chasse aux rats dans les égouts...
-Ce genre de début peut parfois être raté
si on oublie d'exposer, ou d'expliquer les choses. Prenons par exemple
Final Fantasy 13 : début très dynamique, un peu calqué sur le septième épisode (hommage assumé), avec de l'action, des combats, plusieurs ennemis importants... sauf qu'on ne comprend pas ce qui se passe. Les personnages mentionnent sans arrêt des « Fal'Cie » et « L'Cie », SANS EXPLIQUER ce que ces termes signifient. C'est là ce que je considère comme une erreur monumentale : quand on a des termes aussi éloignés de toute référence connue du joueur, il faut qu'un personnage expose leur signification (ou mettre des mots plus familiers).
Exemples de jeux à début dynamique : Final Fantasy 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 12, 13, Chrono Cross, Grandia 2, Breath of Fire 1 et 3, Golden Sun 2, Knights of the Old Republic...
Conclusion
Pour être honnête, j'ai plutôt une préférence pour les débuts dynamiques. Ils permettent de placer le joueur dans les rails, en le confinant dans une situation plus confortable. Mais les deux types d'introduction ont leurs mérites et leurs problèmes.
Certains jeux jouent astucieusement à utiliser les deux types, comme certains jeux à flash-back jouable, où il est parfois difficile de distinguer introduction et début.
Les débuts classiques peuvent avoir un très bon rythme et contenir des combats et une assez grande liberté de jeu, et les débuts dynamiques peuvent être très limités et frustrer le joueur.
Je crois aussi qu'un début dynamique convient davantage aux jeux linéaires, et le début classique à des jeux donnant beaucoup de liberté au joueur.
Dans tous les cas, c'est à l'auteur, ou créateur, de savoir bien doser les informations, donner un rythme à son jeu et donner au joueur l'envie de rester dans le train.
Merci beaucoup d'avoir lu tout ceci, n'hésitez pas à donner votre avis, et à partager d'autres exemples de jeux.